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Répondre au « moins de phytos »

La sélection variétale est une clé indéniable pour réduire le recours aux phytos. Si des solutions génétiques existent déjà, la création d’une variété résistante ne se fait pas en un claquement de doigts.

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Dans la course à la volonté de réduire les phytos, la résistance génétique est bien sûr une solution privilégiée, et lorsque des variétés résistantes existent, elles sont plébiscitées par les agriculteurs. Semenciers et distributeurs font d’ailleurs en sorte de les leur faire connaître rapidement, en particulier ces dernières années. « Pour contribuer à la diminution de l’usage des produits phytos, l’UFS et ses entreprises adhérentes ont été mobilisées sur deux chantiers majeurs cette année, les contrats de solution et les CEPP, certificats d’économie de produits phytosanitaires », soulignait Claude Tabel, président de l’Union française des semenciers, lors de l’assemblée générale de l’association, le 5 novembre dernier. « La résistance variétale aux maladies ou aux bioagresseurs représente 22 % des fiches contrat de solutions, parmi les 86 fiches qui proposent des alternatives à l’utilisation des produits phytosanitaires, soulignait le même jour Éric Thirouin, président de l’AGPB et président de l’association Contrat de solutions. De façon plus précise, quatorze fiches concernent la résistance aux maladies, trois, l’amélioration de la physiologie végétale et une, la résistance aux ravageurs. » En blé, par exemple, les fiches contrat de solutions 6 et 7 répertorient pas moins de 181 variétés disponibles qui apportent une réponse pour réduire les phytos, 116 variétés pour leurs résistantes aux maladies, 81 pour leur tolérante à la verse, et 51 pour leur résistante à la cécidomyie orange. « Ces variétés ont été multipliées en 2020 sur 48 000 ha, soit 69 % des surfaces de production de semences de blés en France », note l’UFS. Autre exemple, celui de l’orge. Les fiches contrat de solutions 81 et 82 réunissent 66 variétés d’orge d’hiver et de printemps qui présentent un intérêt dans la réduction des phytos. Ces variétés ont été multipliées sur 14 000 ha en 2020, soit 39 % de la surface de production de semences des orges en France.

Les variétés résistantes, 23 % des CEPP obtenus

« La sélection variétale a aussi représenté 23 % des CEPP obtenus en 2019, indique Claude Tabel. Alors que ces solutions ne représentent en volume que 9 % des actions standardisées proposées. Dans l’obtention des CEPP, les trois actions standardisées auxquelles les distributeurs ont eu le plus fréquemment recours sont : en blé tendre, la diminution du nombre de traitements grâce à l’utilisation de variétés résistantes aux bioagresseurs et à la verse ; en colza, le fait d’éviter les attaques de méligèthes au printemps en associant à la variété principale une variété plus précoce, en particulier ES Alicia ; enfin, également en colza, la lutte contre le virus de la jaunisse du navet, à l’aide de variétés résistantes. » La variété de colza ES Alicia, associée à une autre variété de colza pour lutter contre les méligèthes, voit son utilisation augmenter chaque année. Elle a représenté, selon Lidea, plus de 20 % des semis de colza à l’automne 2020, contre 16 % en 2019. Les variétés de colza TuYV tolérantes au virus de la jaunisse du navet occuperaient, quant à elles, la moitié des ventes de semences. La technique des colzas associés à des plantes compagnes gélives, comme les féveroles ou les vesces, s’est aussi développée pour réduire la pression des larves d’altise et de charançon du bourgeon terminal à l’automne, voire pour faciliter le désherbage. Leurs surfaces sont estimées à au moins 15 % des emblavements en colza.

De grands pas déjà franchis

Avant même de chercher à réduire le recours à la chimie, la disparition de certaines substances actives et l’augmentation de la pression des bioagresseurs avec le réchauffement climatique, fragilisent certaines cultures pour lesquelles aucune solution génétique n’est encore disponible.

Le combat contre la JNO, jaunisse nanisante de l’orge, s’est concrétisé par l’inscription de variétés résistantes en orge qui, avec la disparition des néonicotinoïdes, se sont largement développées. Mais ce n’est pas encore le cas en blé en France, même si RAGT a inscrit une variété de blé résistante à la JNO en Grande-Bretagne.

En blé, de grands pas ont été franchis contre le piétin verse et la septoriose, et même contre la rouille jaune. En colza, le phoma pose nettement moins de soucis qu’il y a quelques années, mais le sclérotinia reste une préoccupation majeure. En tournesol, la lutte contre les maladies a fait partie des objectifs prioritaires des sélectionneurs depuis que les hybrides sont cultivés en France.

« La sélection de variétés résistantes a sauvé la betterave sucrière en France dans les années 1980-1990 avec la création de variétés résistantes à la rhizomanie », rappelle Bruno Dequiedt, directeur général de SESVanderHave France. Aujourd’hui, c’est à la jaunisse que la culture est confrontée, et les producteurs attendent beaucoup de la génétique pour sauver une nouvelle fois la culture.

Rien n’est jamais définitivement acquis

Malgré les prouesses de la recherche, la pression des maladies, des ravageurs et des mauvaises herbes reste complexe à gérer par la génétique, et en matière de sélection contre les bioagresseurs, rien n’est jamais définitivement acquis. Comme avec l’utilisation des phytos, les résistances variétales peuvent être vite contournées par de nouvelles souches de champignon. En céréales, de nouvelles souches de rouille jaune ont rapidement rendu sensibles des variétés de blé, résistantes à la maladie au moment de leur inscription. En tournesol, les souches de mildiou ont aussi donné du fil à retordre aux sélectionneurs.

L’un des plus gros défis des sélectionneurs en 2020 est, en betteraves sucrières, la création de variétés résistantes aux virus de la jaunisse. Et ce combat, ils doivent le gagner en trois ans, car la dérogation que les producteurs de betteraves viennent d’obtenir pour réutiliser des néonicotinoïdes en traitement des semences, n’a été accordée par les parlementaires français que pour trois ans. « Pour y parvenir, les semenciers vont unir leurs efforts afin de travailler le plus rapidement possible, souligne François Desprez, président de Florimond Desprez et président du Gnis. J’ai bon espoir que grâce à cette mobilisation, des solutions opérationnelles soient trouvées dans ce délai de trois ans. »

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